dimanche 1 juillet 2012

le timbalier de Salerne






Alcides Radaelli, musicien virtuose, était premier timbalier dans l’orchestre du Concertgebouw depuis plusieurs années ; première fois depuis la fondation de la fameuse institution amsterdamoise qu’un Italien, timpanista di Salerno, occupait ce pupitre. Un soir, en pleine exécution de Also sprach Zarathustra, Alcides Radaelli reçut un message de sa fiancée, sms de rupture brutal, ordurier et sans appel, le timbalier s’effondra sur sa chaise, ferma la partition, ferma les yeux, puis après quelques instants, quitta la scène, quitta la Hollande, quitta l’Europe, quitta la musique, bateau pour le Québec, train pour Vancouver, où il se réfugia dans une mansarde, avec vue sur un mur en briques brunes, der Paukenschläger ist untergetaucht, sur la petite table en formica noir de son coin cuisine, avec le dos de deux cuillers en fer blanc, à longueur de journée, il tapait des messages de morse, à l’intention du ciel autant que de la fille, au cours des années, en texte, cela aurait fait un livre de plusieurs centaines de pages, der Paukenschläger ist abgesackt, dans le formica de la table, milliers de petites blessures, le locataire suivant de la mansarde, après l’expulsion de Radaelli, se débarrassa aussitôt du petit meuble abîmé, et mit à la place une jolie table en sapin, dix-huit dollars dans une brocante.




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