jeudi 22 septembre 2016

et quelques autres consolations, chap. 10-12

photo Lambert Schlechter - album Piccole cose, mars 2014


10.

apte ni à la grâce ni à la pesanteur je n’ai jamais touché la terre que par furtive tangence fredonnant fados fatigués mal fagotés grésillement dans les synapses ça va très mal se terminer au carrefour de ces mitoyennetés louches et miteuses ma farlouse préférée est partie en migration dans les bambous d’un Nil nubien mais la fée d’hiver a mal veillé sur moi frequently asked questions envie de lâcher j’ai fait le tour des questions ça déborde débordamment toutes les réponses se valent et aucune ne vaut je tournicote dans le tournis d’un soliloque de pacotille faut peut-être continuer à croire que la carotide est solide je vais sans doute me retirer dans une Belgique idéale & apocryphe imaginée par Bachelin au détour d’un syntagme turquoisement tourmenté puis décide malgré tout ça lâchement de ne pas encore lâcher




11.

se rameutent les lapideurs brandissent & vocifèrent mais il y a espoir que des murs & des lois protégeront les prisonniers tendreté d’un songe d’abri à considérer l’art des chenilles lieuses qui lient avec des fils de soie plusieurs feuilles à en former un paquet au centre duquel est la loge du petit ermite hors de portée des porteurs de piques et gourdins les hurlements s’évanouissent au loin le cœur peu à peu se remet à battre calmement on pense au sang qui circule par ses canaux familiers le sang fait son vital travail invisiblement le sang ne viendra pas à la surface le sang transite par pulsations du centre aux périphéries et revient & repart quand ça va très mal j’évoque pour l’image consolante le travail des chenilles lieuses



12.


en pleine miraculation je suis à chaque instant et j’en suis conscient tout ce que je vois tout ce que je vis mon regard anticipatif fonctionne par rétrovision pour focaliser sur un présent miraculeux la notion même de miracle j’ai dû la dérober aux crédules cagots et la recycler dans la petite tragédie portative que je me trimbale en bandoulière avec mes deux bananes et mes trois mandarines d’un étage à l’autre d’un immeuble en sursis bouts des doigts fripés  comme si je venais de traverser l’Atlantique à la nage échappant ne sais comment à une catastrophe mais abîmé nicht unversehrt une dégradation due peut-être à l’âge car maintenant il y a tout le temps cette question-là je me guette question de la carcasse et toute la tuyauterie membranes glandules fibrilles comment savoir à quel endroit les allégoriques plombs vont sauter


Pourquoi le merle de Breughel
n’est peut-être qu’un corbeau
et quelques autres consolations
éditions Estuaires, 2008



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